L'importance d'une perspective locale
Bien que les résultats provinciaux donnent une idée générale de la situation, quand on regarde les résultats au niveau des régions ou des communautés, on observe que ces données locales peuvent varier considérablement par rapport aux données provinciales. Cela signifie qu’une moyenne provinciale risque de masquer la variabilité observée au niveau plus local et de ne pas présenter une image précise des services de santé dans chaque région. Cet article propose de regarder les différences qui existent parmi les communautés et zones du N.-B. (en comparaison à la moyenne provinciale), à ce qui a trait à l’accessibilité des services de santé, à l’expérience vécue et aux résultats obtenus en utilisant les services de santé.
Les travaux du CSNB ont mis à disposition davantage de données populationnelles et de services de santé au niveau de la communauté. Ces données permettent de constater qu'il existe une grande variabilité dans la qualité des services au sein de la province.
Peu importe où ils vivent et qui ils sont, les résidents du N.-B. devraient obtenir les mêmes résultats en matière de qualité des services de santé, comme l’accès à des services appropriés qui répondent à leurs besoins et leur permettent de jouir d’un bon état de santé et d’une bonne qualité de vie. C'est ce qui est considéré comme un système de santé équitable.
Cet article examinera l’équité avec une perspective sur la géographie.
L'équité, une dimension de la qualité des services de santé, se définit comme la capacité à offrir des soins de même qualité à tous, peu importe les caractéristiques individuelles et les circonstances (p. ex. lieu de résidence, âge, revenu, handicap, statut d'immigrant, identité autochtone, etc.)
La planification et la prestation de services en l’absence d’une connaissance des besoins locaux ne soutiennent pas la réalisation de l’équité en tant que dimension de la qualité. Les citoyens ayant des besoins différents en matière de santé continueront de connaître des lacunes dans la qualité des services de santé et, par conséquent, n’atteindront pas les résultats souhaités en matière de santé.
Note : cette analyse met l’accent sur les médecins de famille car ils sont encore considérés comme le point d’entrée le plus courant pour accéder aux services de santé. En effet, bien qu’il y ait plusieurs types de fournisseurs de soins de santé primaires, et que les infirmières praticiennes et les équipes pluridisciplinaires jouent un rôle de plus en plus grand, présentement 90 % des Néo-Brunswickois disent avoir un médecin de famille comme fournisseur de soins primaires et notre système de santé est toujours axé sur le médecin de famille.
Accessibilité : est-ce que tous les Néo-Brunswickois ont la même capacité de recevoir des services de santé?
En 2017, seulement 56 % des Néo-Brunswickois ont déclaré pouvoir obtenir un rendez-vous dans les cinq jours avec leur médecin de famille. Bien que ce chiffre soit faible, il ne représente qu’une moyenne provinciale, qui peut ou non refléter ce qui se passe réellement à l’échelle locale. Au niveau des communautés, bien que trois citoyens de la région de Perth-Andover sur quatre (75 %) aient déclaré pouvoir obtenir un rendez-vous avec leur médecin de famille dans un délai de cinq jours, à peine un sur cinq (19 %) dans la région de Kedgwick pouvait le faire; dans ce cas, les chiffres à l’échelle locale sont très différents des 56 % au Nouveau-Brunswick dans son ensemble.
Cette variabilité est également visible lorsqu’on examine la capacité d’accéder à des services de soins aigus. Au niveau des zones, en 2018, 71 % des chirurgies de prothèse du genou dans la Zone 6 (région de Bathurst et de la Péninsule acadienne) ont été effectuées dans les 26 semaines prévues, tandis que ce n’était que 29 % dans la Zone 2 (région de Fundy et de Saint John).
Expérience : est-ce que tous les Néo-Brunswickois vivent une expérience semblable lorsqu’ils utilisent les services de santé?
Au moment de recevoir un service de santé, la façon dont le service est offert, sa justesse, son efficacité et sa sécurité ne sont pas nécessairement les mêmes partout dans la province.
La communication est un aspect de l’expérience vécue où la variabilité est présente entre les diverses communautés du Nouveau-Brunswick.
Lorsqu’on leur demande si leur médecin de famille leur a donné suffisamment de temps pour discuter de leurs sentiments, craintes et préoccupations au sujet de leur santé, trois citoyens de la région d'Oromocto sur quatre (76 %) disent que c’est toujours le cas, tandis que seul un citoyen sur deux (53 %) de la région de Neguac est de cet avis.
La façon dont les médecins de famille expliquent les choses varie également. En effet, même si 80 % des Néo-Brunswickois disent que leur médecin explique toujours les choses pour qu’ils puissent comprendre, cette réponse varie de 66 % à 90 % selon la communauté.
Résultats : est-ce que tous les Néo-Brunswickois obtiennent des résultats semblables lorsqu’ils utilisent les services de santé?
Ce domaine a trait à l’efficacité des soins de santé, à savoir si les résultats souhaités sont atteints après avoir reçu le service.
Pour les citoyens qui ont un problème de santé chronique, la confiance en leur capacité à gérer leur état de santé est un résultat important des services reçus et aide à comprendre l'efficacité de ces services.
Au Nouveau-Brunswick, seulement deux citoyens sur cinq (41 %) ayant un ou plusieurs problèmes de santé chronique ont déclaré être très confiants quant à leur capacité de contrôler et gérer leur état de santé. Ce résultat était encore plus faible dans certaines communautés comme la région de Kedgwick, où seulement 22 % des citoyens ont déclaré être très confiants quant à leur capacité de contrôler et gérer leur état de santé, tandis que 47 % des citoyens vivant dans la région de New Maryland étaient de cet avis.
Si les citoyens reçoivent des soins de santé de qualité qui peuvent permettre de prévenir un certain type de maladie, de contrôler une maladie épisodique aiguë, ou de gérer un problème de santé chronique, leur besoin d’être hospitalisés sera réduit; en d’autres mots, il y aura moins d’hospitalisations évitables (aussi appelées conditions propices aux soins ambulatoires). Chaque année au N.-B., il y a en moyenne 48 hospitalisations évitables par 10 000 habitants de moins de 75 ans. Dans les communautés, ce taux varie entre 23 (dans la région de Quispamsis) et 87 (dans la région de Campbellton) par 10 000 habitants.
Planification : est-elle fondée sur les besoins?
Lorsqu’on examine en profondeur le parcours d’un citoyen au sein des services de soins de santé, nos données montrent que la moyenne provinciale estompe le portrait réel de ce qui se passe vraiment dans la province. Seuls les chiffres locaux nous permettent vraiment de mesurer à quel point la qualité des services de santé varie d’une région à l’autre dans la province et à quel point certaines communautés s’en tirent mieux ou moins bien que d’autres. En ce qui concerne la planification axée sur les besoins, certains éléments indiquent que les ressources ne sont pas les mêmes dans toute la province.
Répartition des médecins
Lorsqu’on examine la répartition des médecins de famille dans la province, on constate qu’il y a 12 médecins de famille pour 10 000 habitants dans les zones 2 (région de Fundy et de Saint John) et 3 (région de Fredericton et de la vallée), et 17 pour 10 000 habitants dans la Zone 4 (région de Madawaska et du Nord-Ouest).
Citoyens qui ont un médecin de famille
Cependant, lorsqu’on regarde qui a déclaré avoir un médecin de famille, les zones où il y a le plus de médecins de famille par population population (par exemple, la Zone 4 - région de Madawaska et du Nord-Ouest) ne sont pas nécessairement celles où le plus de citoyens ont un médecin de famille (par exemple, Zone 1 - région de Moncton et du Sud-Est et Zone 6 - région de Bathurst et de la Péninsule acadienne).
Accès en temps opportun à un médecin de famille
De plus, le fait d’avoir un médecin de famille ne signifie pas nécessairement qu’on puisse le consulter en temps opportun. La Zone 4 compte le plus grand nombre de médecins pour 10 000 citoyens : 90 % affirment avoir un médecin de famille habituel. Pourtant, seulement 40 % des citoyens de cette zone sont en mesure d’obtenir un rendez-vous avec leur médecin de famille dans un délai de cinq jours, contre 62 % pour ceux qui vivent dans la zone 2, qui compte le plus faible taux de médecins.
Conclusions
L’équité, l’une des dimensions clés de la qualité des services de santé, est définie comme la capacité de fournir des soins ou des services de qualité à tous, peu importe où ils vivent et qui ils sont. Nous avons démontré, dans cet article, qu’il y a une grande variabilité selon l'endroit où les citoyens habitent :
- dans leur capacité à recevoir des services de santé
- dans leur expérience vécue des services de santé
- dans les résultats obtenus en utilisant les services de santé
La variabilité qui existe entre les communautés et les régions est un symptôme d’un système de santé qui se doit d'être plus équitable. Les citoyens s’attendent à recevoir un niveau uniforme de santé, peu importe où ils vivent.
Il est largement reconnu que cette variabilité de la qualité des services de santé est un défi au Nouveau-Brunswick (ainsi qu'ailleurs au pays) et il est à présent impératif que cette situation soit confrontée pour atténuer l’iniquité qui existe.
Un mauvais rendement des services de santé primaires, par le biais d’un accroissement de maladies, déclenche une augmentation potentiellement évitable dans la demande de services hospitaliers. Dans l'avenir, la planification et la gestion des services de santé primaires devront maximiser les rôles de tous les professionnels de santé en lien avec les besoins des citoyens dans leur communauté respective. En 2017-2018, le CSNB a recommandé le développement d’un cadre de responsabilisation pour clarifier les responsabilités au sein des services de santé primaires et adresser les iniquités au niveau des zones et des communautés.